En complément de notre article sur l’alimentation durable, voici l’intégralité de l’interview du chef de cuisine Jérôme Bru.

Pouvez-vous nous partager votre vision de l’alimentation durable ?

Plus qu’une vision, c’est une véritable révolution alimentaire, éthique et consciente. Tout repose principalement sur une autre manière de prendre soin de sa santé, en misant sur le respect de la saisonnalité, et de prêter attention à la provenance des produits.

C’est également travailler avec des acteurs locaux afin de sélectionner des produits qualitatifs, retrouver un équilibre nutritionnel dans l’assiette, puis, déguster tout simplement. J’ajouterai qu’il est tout aussi important de cuisiner et apprendre à conserver les aliments. La stérilisation, par exemple, permet de conserver à un moment clé un produit pour l’avoir toute l’année, faire une sauce tomate en plein mois de juillet et la mettre en bocaux c’est durable, acheter des courgettes le 31 décembre ce n’est pas raisonnable.

Notre métier de chef c’est celui-ci, cuisiner en grande partie la diversité territoriale pour la partager au plus grand nombre, continuer à proposer des menus ou plats végétarien dans nos restaurants. Nous sommes les avants derniers acteurs de cette magnifique chaîne avant le consommateur, notre message passe par là.

 

A votre échelle, que mettez-vous en place pour répondre aux enjeux actuels d’alimentation durable/responsable ? Avez-vous prévu de vous engager dans un projet/ une actualité dans les mois à venir ?

Nous avons depuis 6 ans mis en place des menus végétarien, ce n’était pas simple, mais en 6 ans on constate que la clientèle est de plus en plus sensible et attentive, et porte une attention croissante à une consommation raisonnée.

Nous avons également sélectionné nos producteurs en légumes et petit fruits Les Jardins de Nicolas à Beaumont, les œufs et mini légumes bio chez Léa, les plantes aromatiques chez Radix, ou chez un herboriste pour nos plantes séchées pour nos infusions culinaire et nos utilisations en pâtisserie, nos volailles viennent du Cantal chez Daniel Raymond, les farines, pâtes et huile de tournesol dans l’allier, les huiles de noix, noisette, amande au moulin de Vensat, nos truites dans le nord de l’Aveyron, et les autres provenances de viandes elles viennent soit de Lozère ou de l’allier en label rouge, on fait un peu de cueillette fleurs de pissenlit, acacias, sureau, aux mûres sauvages également, aux myrtilles j’espère cette année.

Notre projet proche c’est de labelliser le restaurant en table écoresponsable, pour garantir à nos clients et futurs clients, notre sensibilité et nos valeurs communes.

J’ai aussi bien d’autres projets autour de l’alimentation et sa conservation, on réfléchit aussi à des dîners improvisés dans des jardins, chez un producteur…, parrainer des ruches pour nos besoins en miel et sucre naturel. Enfin, j’aimerai également partager et enseigner notre savoir dans les écoles primaires accompagner des projets pédagogiques autour de l’alimentation.

 

Rencontrez-vous des difficultés à allier vos valeurs et votre métier, si oui lesquelles et comment les surmontez-vous ?

Je pense que l’on peut encore apprendre, étudier et concevoir nos menus et la composition de nos plats de manière plus précise autour des valeurs nutritionnelles, je voudrais avoir plus de temps pour tester expérimenter des textures, la lactofermentation par exemple on en fait un peu mais il y a tellement à découvrir….

 

A contrario, cuisiner de manière durable vous apporte-t-il des avantages ? Si oui, sur quels points ?

Le plus grand avantage je pense qu’il est avant tout HUMAIN, c’est ce que je ressens dans toutes les rencontres et les liens que l’on a avec les producteurs, c’est et ce sont des moments privilégiés ou l’on écoute le travail de l’autre.  A la passation du produit, lorsqu’il nous est confié, il se passe quelque chose de magique. C’est aussi le cas avec toutes les personnes qui ont été avec moi en cuisine : de l’échange, du partage, l’idée de l’un et l’expérience de l’autre qui permette la créativité, et qui la fait évoluer avec le temps. L’échange avec les clients est également important, parfois peu présent par manque de temps, il est finalement toujours source de bienveillance et aide à progresser.

 

Avez-vous un exemple d’action concrète que vous mettez en place dans vos cuisines ?

Une des actions principales c’est de ne rien jeter. Toutes nos parures, végétales ou animales, servent à confectionner nos sauces et bouillons, il n’y a rien de cru qui est toléré dans la poubelle.

Une autre action c’est l’implication de l’ensemble du personnel à proposer aux clients une boîte pour emporter le reste de son assiette, mais aussi un travail dans la confection des menus et la connaissance des produits utilisés.

 

Enfin, avez-vous un ingrédient durable coup de cœur que vous aimez beaucoup utiliser ?

Ce n’est pas un ingrédient, mais une famille d’ingrédients : les céréales.

Leurs qualités nutritives m’intéressent, mais aussi la découverte et la maîtrise des cuissons, des textures, ou encore leurs déclinaisons possibles (en farine par exemple, ce qui élargi le champ des possibles).

La dernière céréale découverte c’est le fonio, qui peut être cuisinée directement en graines, mais également avec la farine.

Nous avons également utilisé la farine de sorgho pour faire des essais concluants sur des pâtes de pâtisserie. On obtient un croustillant prononcé, et l’humidité d’une pâte peut être contrôlée.

Le prochain travail qui nous attend c’est le teff, qui est décrit comme un exhausteur de goût. Nous voulons également travailler avec les ferments lactiques pour la pâtisserie.

Enfin, actuellement, nous utilisons une farine de sarrasin produite dans l’allier pour faire des essais de torréfaction, dans le but d’obtenir des notes et des parfums différents pour la confection de nos pâtes fraîches et ravioles.

Un grand merci à Jérôme Bru pour son implication, son temps et pour sa cuisine, dont les images nous mettent déjà l’eau à la bouche. A très vite…