Dans la période de crise actuelle liée au Covid-19, nombreux sont ceux qui tendent à prendre davantage soin de leur santé et de leur alimentation. La consommation de compléments alimentaires, dont l’engouement de la part des Français se remarque depuis quelques années déjà, est une des solutions envisagées pour se protéger face à la pandémie du coronavirus.
La consommation des compléments alimentaires est-elle modifiée par la pandémie du covid-19 ?
Dans un webinaire organisé le 21 avril 2020 [1], le Synadiet (Syndicat national des compléments alimentaires) a exploré le lien entre la prise des compléments alimentaires et le covid-19. Des experts de l’Open Health company ont pu mettre en exergue une augmentation des ventes de certaines catégories de compléments alimentaires. Plus précisément, il s’agit des segments Immunité & Vitalité (en 2020 : 155% de plus que l’année 2019) et Voies respiratoires (+70%) qui ont vu leurs ventes grimper entre la semaine 9 et la semaine 12, correspondant à la période avant et au début du confinement. Cette évolution a été remarquée en pharmacie, mais aussi dans le secteur des GMS. La progression des promesses liées directement ou indirectement au coronavirus est observée au détriment d’autres promesses comme celle des produits minceur.
En outre, une baisse globale des ventes de compléments alimentaires est observée en France, par rapport à la même période de l’année 2019. Mais cette baisse du marché n’est pas uniforme sur tout le territoire Français, notamment dans le centre-val de Loire et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, où les ventes ont, au contraire, augmenté.
Qu’en pensent les experts et professionnels de santé ?
De nombreux scientifiques accusent certains opérateurs des compléments alimentaires de profiter de la situation pour mettre en avant leurs produits, sans réelle efficacité prouvée. En effet, plusieurs marques allèguent des effets de « boost d’immunité » et certaines pharmacies se livrent même à des pratiques de valorisation de certains produits (compléments alimentaires, huiles essentielles, etc.) en lien avec le covid-19 [2].
L’Italie, un des pays les plus touchés par la pandémie, a réagi face à cette vague de revendications anti-coronavirus. L’Autorité italienne de la concurrence et du marché (AGCM) – l’équivalent de la DGCCRF en France – a en effet ordonné à un détaillant en ligne de cesser d’utiliser des allégations préventives contre le coronavirus pour vendre des compléments [3].
L’ANSES a également mis en garde contre la consommation des compléments alimentaires contenant des plantes pouvant interférer avec la réponse immunitaire et inflammatoire associée à l’infection par le covid-19. En effet, les autorités de santé avaient déjà prohibé l’utilisation des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en raison de la survenue « d’évènements indésirables graves ». Cependant, les consommateurs qui peuvent recourir à des solutions dites « plus naturelles » ne sont pas toujours informés de la composition des compléments alimentaires. L’avis de l’ANSES apporte donc un éclairage supplémentaire sur les éventuels risques induits suite à la consommation de compléments alimentaires contenant des plantes ou parties de plantes, ayant des effets immunomodulateurs ou anti-inflammatoires.
Par exemple, le Saule, la reine des prés, le bouleau, le peuplier, la verge d’or et le polygala font partie des plantes étayées comme contenant naturellement des dérivés de l’acide salicylique. De même, l’ANSES alerte sur l’harpagophytum, la griffe du chat ou liane du Pérou, le curcuma, les échinacées ou encore les plantes du genre Boswellia et Commiphora. L’ensemble des recommandations est consultable en suivant ce lien [4].
Est-ce que les tendances du marché des compléments alimentaires en France pour l’année 2020 sont en accord avec la situation actuelle ?
Avant la propagation du virus en France, le Synadiet avait publié son rapport 2019 sur les tendances et évolutions du marché des compléments alimentaires en France [5]. Le syndicat souligne la progression du marché sur 3 axes principaux :
*La prévention santé : pour une santé active, avec notamment le besoin de concentrer les efforts sanitaires tant sur le plan curatif que préventif, en se prévalant des outils nécessaires pour former les professionnels et informer les consommateurs. Le Synadiet relève cette urgence en soulignant le vieillissement de la population française et ce que cela peut engendrer en termes de dépenses sanitaires si l’on ne se concentre que sur la guérison de la maladie et en excluant le maintien de la bonne santé par la prévention.
*La santé naturelle : pour une prise en charge naturelle de la santé, puisque les « consomm’acteurs » demandent de plus en plus des produits naturels et respectueux de l’environnement. Ces exigences en termes de qualité et de naturalité se doivent d’être accompagnées par une réglementation adéquate. La part du bio dans les compléments alimentaires est en forte croissance, avec +15% et +13%, en parapharmacies et pharmacies respectivement. Pour cela, un nouveau règlement relatif à la production biologique et l’étiquetage des produits bio (UE) 2018/848 [6] est applicable à partir du 1er Janvier 2021.
*La santé responsable : pour une prise en charge sûre et responsable de la santé afin de fabriquer, commercialiser ou distribuer des compléments alimentaires fiables d’un point de vue sécurité et efficacité. Le Synadiet évoque notamment le travail sur les autorisations de plantes dans les compléments alimentaires, les listes des substances à surveiller ou encore les mentions obligatoires d’étiquetage, qui, lorsqu’ils sont conformes à la réglementation et aux recommandations sanitaires, ne présentent pas de risque pour la santé des consommateurs. Pour une santé responsable, le Synadiet essaie aussi de faire évoluer la situation, comme c’est le cas pour l’allégation « probiotique » qui n’est pas autorisée pour les compléments alimentaires notamment. Sur cette base, le syndicat propose à la place une utilisation bien contrôlée du terme « probiotiques», par le biais d’un projet de groupe précisant les lignes directrices.
Ce qu’il faut retenir :
En vue de la situation particulière de la pandémie, de nombreux consommateurs se recentrent sur leur santé, essentiellement dans un but de prévention. Dans ce sens, les revendications « immunité » et « vitalité » des compléments alimentaires attirent de plus en plus de personnes. Si cela représente en effet une opportunité de commercialisation pour les acteurs du complément alimentaire, attention néanmoins aux promesses sans réelle efficacité ou au contraire, qui pourraient avoir un effet antagoniste à celui du « boost des défenses immunitaires ». Nous suivrons avec attention l’évolution du secteur dans les mois à venir !
Sources :
[1] : Webinaire du 21 Avril 2020 du Synadiet : L’impact de la crise du covid-19 sur le secteur des compléments alimentaires.
[2] : UFC que choisir- Coronavirus : N’espérez rien des huiles essentielles et compléments alimentaires.
[3] : Italian authorities clamp down on e-retailer coronavirus claims- NUTRAingredients. HTTPS://WWW.NUTRAINGREDIENTS.COM/ARTICLE/2020/03/25/ITALY-CLAMPS-DOWN-ON-E-RETAILER-CORONAVIRUS-CLAIMS
[4] : Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’évaluation des risques liés à la consommation de compléments alimentaires contenant des plantes pouvant interférer avec la réponse immunitaire et inflammatoire associée à l’infection par le SARS-Cov-2. https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2020SA0045.pdf
[5] : Rapport d’activité du Synadiet sur l’année 2019 : Syndicat national des compléments alimentaires.
http://www.synadiet.org/sites/default/files/news/files/synadiet_rapport_activite_2019.pdf
[6] : Règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques.
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018R0848&from=FR